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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 18:55

Mme-Allain.jpgJeudi 23 janvier, les députés français ont adopté une loi interdisant l’utilisation des pesticides, fongicides, herbicides et insecticides chimiques par les collectivités et les particuliers respectivement en 2020 et 2022. Le texte, déjà voté au Sénat, a été adopté de façon consensuelle - l’ancienne majorité ayant lancé le plan Ecophyto en 2008 pour réduire de 50% en dix ans l’utilisation de ces produits.

Brigitte Allain, députée EELV de Dordogne

Cette loi répond aux préoccupations des citoyens et des décideurs(1) quant aux effets des substances chimiques sur la santé des Français. Le ministre de l’écologie, Philippe Martin, a rappelé qu’en avril 2013, « l’Institut national de veille sanitaire informait que les Français étaient plus exposés aux produits phytosanitaires que les Canadiens, les Américains ou les Allemands ». Rien d’étonnant quand on sait que la France est le premier utilisateur en Europe et troisième au monde de produits phytosanitaires. En juillet 2013, le Commissariat général au développement durable avait quant à lui publié un rapport indiquant une pollution aux pesticides de la quasi-totalité des cours d’eau du territoire. Comme l’a rappelé le ministre lors de la séance au Parlement « en 2011, 93 % des points de mesure dans les cours d’eaux étaient contaminés par des pesticides et près de 30 % d’entre eux révélaient une concentration supérieure à 0,5 microgramme par litre, qui constitue, je le rappelle, le seuil de potabilité de l’eau ». Or, Brigitte Allain, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, a indiqué qu’en 2013 « la direction générale de la santé a demandé à l’INSERM de dresser un état des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires associés à l’exposition professionnelle aux pesticides, d’une part, et sur l’exposition précoce du fœtus et du jeune enfant, d’autre part. Son rapport est tout sauf rassurant. L’existence d’un lien entre exposition aux pesticides et diverses pathologies paraît avéré, qu’il s’agisse de la maladie de Parkinson, du cancer de la prostate ou de certains cancers affectant les cellules sanguines ». Jacques Krabal a indiqué pour sa part « Les études le démontrent, les pesticides ont un impact sur la santé et présentent des risques importants. Personne n’aurait idée de parler de peurs irrationnelles sur ce sujet, et les pouvoirs publics ont d’ailleurs pris de nombreuses mesures depuis plusieurs années, au niveau européen comme au niveau national, pour en limiter l’utilisation progressivement.(…) Il est temps aujourd’hui de passer à la vitesse supérieure. »

 Même si l’agriculture reste le premier utilisateur de produits phytosanitaires en France, les collectivités et les particuliers consomment 5 à 10% des tonnages de substances actives vendus chaque année, soit 4 500 tonnes dans les jardins potagers des particuliers et 800 tonnes dans les espaces verts communaux et des villes (forêts et promenades ouverts au public y compris)(2).

Une tendance déjà à la baisse dans les jardins et en ville

La loi confirme en réalité un phénomène déjà existant, à savoir la baisse des achats de ces produits chimiques, aussi bien de la part des particuliers (-40%) que des villes (-25%) ces quatre dernières années(2). Certains commerces ayant noté la tendance ont déjà retiré les préparations chimiques de leurs rayons. En fixant la date de 2020 et 2022, les législateurs donnent la possibilité aux villes et aux communes qui ne se sont pas encore passées de produits phytosanitaires d’apprendre à s’adapter aux méthodes naturelles. En effet, les jardiniers doivent réapprendre à utiliser des prédateurs naturels, des plantes associées ainsi que des préparations végétales pour lutter contre les maladies ou les insectes indésirables dans les jardins, comme l’ont fait des générations d’humains jusqu’à la seconde guerre mondiale. Les particuliers sont dans le même cas. En 6 et 8 ans, les connaissances auront le temps d’être acquises, sachant que les échanges entre voisins jardiniers se font bien volontiers. Passé ce délai, les utilisateurs de produits phytosanitaires chimiques concernés par cette loi seront passibles d’une amende de 30 000 à 75 000 € et de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement. Et le Ministre d’ajouter « Cette proposition de loi offre une souplesse qui permettra à chacun de trouver des solutions adaptées (…) tout en préservant l’environnement et la santé ».

Le développement d’une filière d’avenir pour la France

En dehors de la protection de la santé des citoyens et de la préservation de l’environnement, les législateurs espèrent que l’interdiction généralisée à tout le territoire des produits chimiques dans les jardins et les espaces verts permettra à la France de développer une filière de produits de bio-contrôle, comme les pièges à phéromones ou de nouvelles préparations naturelles efficaces. Selon le ministre, « le projet de loi d’avenir sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt pose les bases d’un développement de ces alternatives ». On ne le répètera jamais assez : écologie et économie vont souvent de pair, une chance pour développer la recherche et l’emploi au niveau national.

(1) Voir l'article sur les élus qui s'étaient engagés pour moins de pesticides (ici)

(2) chiffres tirés du discours du Ministre.

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